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Boujemaâ Lamali

  • Boujemaâ Lamali
Céramiste
(Homme)
Pays principal concerné : Rubrique : Artisanat d'art

Boujemâa Lamali, né en Algerie en 1919, décédé au Maroc en 1971 est un maître céramiste qui a marqué l'identité de la céramique de Safi – Motifs floraux authentiques "Tbouâ" et géométriques "Ettarbiâ", décoration "Khidouss" inspirée de la tapisserie Zayan, apparition du "figuratif" sur des œuvres destinées à la décoration des murs.

Biographie

Boujemaâ Lamali est né vers 1890 dans un village de la Haute Kabylie. Très tôt, et contrairement à ses frères, l'enfant exprime son désir de s'instruire. Son père l'envoie vivre chez un oncle installé dans la banlieue d'Alger. On retrouve l'adolescent Boujemaâ apprenti dans l'atelier du maître céramiste Soupireau. Il y restera dix ans et finira chef d'atelier. C'est certainement sur le conseil de Soupireau et avec son appui que Boujemaâ Lamali s'inscrit à l'Ecole des Beaux-Arts d'Alger.

En 1914, Boujemaâ Lamali est envoyé en mission d'études à la Manufacture Nationale de Sèvres, en France. C'est la première fois que la fabrique de porcelaine au rayonnement mondial, fondée en 1740, sous les auspices de Louis XV, accueille un Nord-africain. A cette époque, les travaux d'art de la Manufacture sont dirigés par Alexandre Sandier. Ce décorateur ensemblier reconnu s'est attelé à la création de nouvelles formes, essentiellement des vases et pièces de service, qu'il fait décorer par des artistes extérieurs à la maison. Lamali a travaillé au projet d'édition de certaines de ces formes. Il participe également à la préparation de l'importante participation de la Manufacture à l'Exposition internationale de Lyon sur «La cité moderne», ayant lieu cette même année.

Isabelle Laurin, co-commissaire scientifique de l'exposition Sèvres-Safi relève, non sans pertinence, qu'on retrouvera souvent dans la future production de Lamali le fameux «vase-boule» si cher à Alexandre Sandier. Plus généralement, remaque-t-elle, Lamali a gardé de Sandier «ce goût pour les vases pansus, simples et décoratifs, qui eurent un grand succès durant les années ».

Lamali profite de son séjour en France pour étudier les faïences perses et arabes exposées aux musées du Louvre et de Cluny. Il est particulièrement impressionné par les céramiques émaillées à reflet métallique. Cette technique d'origine mésopotamienne a été à l'honneur en Perse et en Egypte durant les IXème et Xème siècles avant de s'épanouir dans l'Espagne musulmane des XIVème et XVème siècles. Son expression ultime se trouvant alors dans les fameux azulejos de Séville, Lamali ne manque pas d'aller étudier la question sur place.

En 1918, sous l'impulsion du Résident général Hubert Lyautey – dont on sait la passion pour la vieille civilisation marocaine qu'il entend regénérer dans le plus strict respect de la tradition-, est créé, à Rabat, "l'Office des industries d'art indigènes", dépendant du Service des Beaux-arts. Sa mission est de «centraliser toutes les questions concernant la production artistique indigène et spécialement de surveiller la fabrication et d'assurer l'écoulement des produits». Pour ce faire, on procède, entre autres, à la création d'ateliers d'Etat «fonctionnant sous la direction de l'Office, dans des locaux du Protectorat, avec des matières premières et des salaires payés par lui». Pour pourvoir au poste de responsable de l'atelier de céramique devant s'ouvrir dans ce cadre, M. de la Nézière, directeur de l'Office – bientôt transformé en "Service des arts indigènes", rattaché à la Direction de l'enseignement -, s'enquiert auprès de l'administrateur de la Manufacture nationale de Sèvres. Tout naturellement, celui-ci lui recommande Lamali.

Lorsque Lamali arrive à Safi, la production de la poterie d'art est déliquescente. Certes, les souks de la région croulent sous les objets en poterie brute (h'rach ou souki) à usage domestique courant (m'jamer, khabiat, gh'raref, etc.), mais les rares ateliers spécialisés dans la production de poterie fine, décorée et vernissée, vivotent péniblement. Deux ans durant, Lamali fait travailler deux ouvriers, leur fournissant matière première et encadrement. Las ! les ouvriers sont trop indisciplinés, leurs mauvaises habitudes trop ancrées.

Lamali demande à Rabat l'autorisation d'ouvrir un cours de dessin et de tournage. Démarré en 1920 avec une dizaine d'élèves-apprentis, l'atelier-école de Lamali en compte 42 en 1924. Entre-temps, après avoir «réussi à former une équipe de tourneurs et de décorateurs suffisamment expérimentés et à créer un assez grand nombre de modèles susceptibles d'être vendus», Lamali reçoit, avec une subvention annuelle, «une licence du Protectorat de travailler à son compte et profit, à charge pour lui de continuer à former de nouveaux apprentis et à respecter les caractères traditionnels de la céramique».

A partir de son atelier safiot, Lamali va révolutionner le sort de la poterie marocaine. On lui doit tout ou presque. Il apprend à ses élèves à procéder au lavage de l'argile – celle de Safi est trop riche en calcaire et oxyde de fer – ; à retrouver les formes berbéro-romaines et arabo-andalouses d'origine ; à utiliser un système de canevas permettant aux apprentis de reproduire les motifs traditionnels safiots – qu'il répertorie – à main levée mais avec précision ; il améliore, enfin, la qualité de l'émail.

«Hors de la tradition, point de salut», ainsi pourrait-on résumer le credo du "Service des arts indigènes" de l'époque. Pour obtenir l'autorisation de produire des faïences polychromes, Lamali doit montrer à ses supérieurs deux pièces anciennes exécutées à Safi et retrouvées par lui. Mieux, après une enquête approfondie auprès des vieux mâalems safiots, Lamali est en mesure de fournir l'explication de ce fameux bleu de Safi. Il est tout simplement dû à une pénurie de pigments lorsque, en temps de siba, la route entre Safi et Fès était coupée – le cobalt anglais arrivant, lui, par voie de mer.

Nous devons beaucoup de nos connaissances sur l'histoire de la poterie de Safi à Lamali. Tout en prodiguant un enseignement et un encadrement conformes aux directives de sa hiérarchie, Lamali consacre une partie de son temps à ses recherches personnelles, en toute liberté.

En 1925, la participation de Lamali à l'Exposition des arts décoratifs modernes à Paris lui vaut une médaille d'argent. Les objets que le maître céramiste expose lors de cette manifestation internationale historique – elle signe l'acte de naissance de ce qu'on appellera le mouvement Art déco – sont étonnants. Il s'agit de vases et de plats aux formes marocaines stylisées ou d'inspiration pré-Art déco, recouverts de décors géométriques empruntés aux tapis zaïan et sous émail à reflet métallique néo-persan ! Le style Lamali est né.

Le maître artisan est indubitablement un précurseur de ce qu'il est convenu d'appeler aujourd'hui l'ethno-design. D'une exposition coloniale à l'autre, Lamali collectionnera les distinctions. Des décennies durant, il fera œuvre de création tout en poussant plus loin son exigence technique. Une exigence technique que ses élèves transmettront à leur tour à leurs enfants et petits-enfants – formant ainsi de véritables dynasties safiotes de maîtres potiers, dont les fameux Serghini -, à défaut de prolonger son sens du design, lequel se retrouve plus certainement, aujourd'hui, à Marrakech.

Lamali vivra les restant deses jours à Safi où il vivait avec sa famille dans une véritable maison-musée. Un Musée national de la céramique, contenant certaines de ses pièces a d'ailleurs ouvert ses portes en 1990 dans la cité portuaire.

Boujemâa Lamali s'est éteint en 1971, laissant un souvenir vivace chez tous les Safiots comme chez l'ensemble des amateurs d'art et de céramiques mais surtout un riche répertoire de ses œuvres contenant 450 objets.

Les collectionneurs se sont vite arrachés les pièces de céramique signées Lamali ou portant la marque de fabrique de son atelier (Asafi en lettres arabe, dans une calligraphie spécifique). Durant les années 60, Lamali n'a cessé de demander aux autorités de son pays d'adoption la création d'une école nationale des arts du feu à Safi – dont il disait vouloir faire une «petit Sèvres», en vain.

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