Articles
2 fiches
Mardi 10 janvier 2007, le Grand Rex à Paris donne le ton, cinquante ans après l'indépendance de l'Algérie, qui marqua le triomphe de l'anticolonialisme mais aussi l'amère séparation d'avec la terre mère pour la beaucoup de juifs d'Algérie. Réuni en 2007 par Safinez Bousbia, "El Gusto" est un groupe formé par des vétérans de la chanson populaire algéroise, le chaâbi, ceux de là-bas, et ceux d'ici, juifs et musulmans.
Le propos, venant d'une jeune Irlandaise née à Alger, avide de reconstituer ses racines, est militant. Pour des musiciens âgés (deux sont morts depuis le début de l'aventure) déracinés il ne l'est pas moins.
Après un concert donné à Marseille (l'arrivée des bateaux de l'exil) en 2007, puis un autre au Palais omnisports de Paris-Bercy, El Gusto est revenu pour deux soirs au Grand Rex fêter la sortie en salle d'un documentaire de Safinez Bousbia et celle d'un disque éponyme. Chaude ambiance, youyous et battements de mains : la vie et le sens de la fête terrassent la nostalgie sans la tuer.
En 1999, Enrico Macias, juif de Constantine, avait initié un concert de "malouf", répertoire arabo-andalou, avec le musicien algérien Taoufik Bastanji.
"El Gusto" pousse le bouchon plus loin, offrant en début de concert un duo entre le rabbin Philippe Darmon et le muezzin Mohamed Touzene.
Maurice El-Medioni, le plus ornemental des pianistes francarabes, est à gauche, Paul Sultan (piano) à droite. Au centre, Robert Castel (le fils de Lili Labassi, l'un des piliers du chaâbi) au chant et au violon, Liamine Haimoun à la mandole, Mohamed Ferkioui, qui serre son accordéon "comme une femme", Mabrouk Hamaï, habile joueur de kanoun, Lucien Cherki, brodeur de guitare... Vingt-sept artistes en tout.
Au Rex, les mémoires communes reviennent à l'ombre de Lili Boniche ou de Reinette l'Oranaise, mais aussi avec la chanson Ya Rayah ("Le voyageur") de Dahmane El-Harrachi (1926- 1980), star absolue du chaâbi de l'émigration ou celles d'El-Anka. "Si on commençait à dégager la chaux qu'il y a sur tous les murs de la kasbah, chaque grain réciterait un poème d'El-Anka, tellement (sa musique) est incrustée dans le sang", dit un musicien d'El Gusto dans le film dont le début est projeté en introduction du concert.
Hadj Mohamed El-Anka (1907- 1978) fut un compositeur prolixe et le professeur ou le collègue de quelques-uns de ces musiciens. Il a structuré cette musique née de la longue cohabitation des juifs et des arabes, corpus de poésie dansante inventé au fond des ruelles de la Casbah.
L'amitié donc et leur amour commun pour cette musique qui "fait oublier la misère, la faim, la soif" les rassemblent pendant des années au sein du même orchestre jusqu'à la guerre et ses bouleversements. El Gusto, "Buena Vista Social Club" algérien, raconte avec émotion et bonne humeur communicative comment la musique a réuni ceux que l'histoire a séparés il y a 50 ans.
Avec
Mamad Haïder Benchaouchi
Abdel Hadi Halo
Reda Djilali
Rachid Berkani
Ahmed Bernaoui
Robert Castel
Luc Cherki
Mustapha Tahmi
Mohamed el-Ferkioui
René Perez
6 fiches