Chambres noires raconte et interroge une vingtaine de photographes africains d'une dizaine de pays différents, d'est en ouest, sur leur rapport à leur art et au marché de la photographie, leur place dans le monde la photographie, le type d'images qu'ils veulent transmettre de leurs pays, de leur continent... À travers leurs récits, leurs images, en les montrant au travail (qui prend de nombreuses formes différentes, de la prise de vue au laboratoire, de l'enquête initiale au choix sur planches contact ou sur ordinateur...), et au fil d'un trajet (en multiples allers-retours) qui va du village de Podor au Sénégal à la mégalopole de Nairobi (Kenya), de Malick Sidibé de la "vieille garde" à Fatoumata Diabaté de la "jeune génération", c'est un portrait de l'Afrique contemporaine qui se dessine, vue de l'intérieur, par des artistes (qu'il s'agisse des photographes ou du cinéaste qui les filme) en prise directe avec leur monde. Une Afrique faite de mouvements, de migrations : la Zimbabwéenne Berry Bickle vit au Mozambique, le burkinabé Nestor Da au Ghana, la Kenyane Mimi Cherono a justement pour sujet les flux migratoires entre Nairobi et Cape Town et partage sa vie entre les deux villes... Une Afrique pétrie du questionnement de son histoire et de sa propre identité : les recherches du ghanéen Nii Obodai sur les traces de l'indépendance et de son leader Nkrumah dans le Ghana d'aujourd'hui, les collages du congolais Sammy Baloji entre vieilles photos de travailleurs forcés dans les mines coloniales de Lubumbashi et des images de la ville actuelle... Une Afrique travaillée par son rapport au "nord", à son marché et à ses règles - c'est au nord que les photographies peuvent réellement être vues, conservées, montrées... et vendues : comment rééquilibrer les rapports : le nigerian James-Iroha Uchechukwu et le collectif Depht of fields qu'il a fondé s'y emploient, par exemple. Une Afrique de mémoire à transmettre et d'histoires à conter - les "anciens" Malick Sidibé (Mali), Oumar Ly (Sénégal) - en même temps qu'une Afrique de technologie et d'images, une Afrique urbaine, une Afrique multilingue (francophones, anglophones, lusophones...) et plurielle pour qui l'image est un langage universel dont il faut s'emparer pour se faire entendre. Une Afrique qui justement crée ses propres imagesautant pour se raconter que pour ne pas se laisser raconter par d'autres... C'est cette Afrique que disent les photographes, cette "chambre noire" où se forment les images d'aujourd'hui. Le film mêlera le récit par Malick Sidibé de ses débuts de photographe des nuits bamakoise au lendemain de l'indépendance malienne, aux images réalisées par Nii Obodai des bustes vieillis de Nkrouma dans de grands hôtels vides à Accra (Ghana), l'explication par Berry Bickle de son départ d'Harare (Zimbabwé) pour Maputo (Mozambique), fuite politique urgente, aux images de Mimi Cherono sur les kenyans inondant les townships de Cape Town (Afrique du Sud), le défilé des élégants dans le studio d'Omar Ly (Sénégal) et les voyages de Pierrot Men à travers la grande île de Madagascar dans les pas de ceux qui l'arpentent pour veilleur à leur bétail...
A leurs images et à leurs mots s'ajouteront les réflexions de ceux qui "travaillent autour d'eux", voire avec : critiques, journalistes, galeristes, commissaires d'exposition, institutions... Souvent des gens "du Nord", des occidentaux, montrant une autre facette de la situation. Film sur l'art et la création en même temps que réflexion sur la représentation du réel, questionnement sur les rapports entre art et économie à travers un marché très particulier qui met en jeu une partie de la relation nord/sud, portrait d'artistes autant que de femmes et d'hommes, mosaïque d'images de genres et supports différents, mais aussi de voix et de langues, Chambres noiresest un projet qui dit la constitution d'une Histoire collective - celle de la photographie africaine, mais aussi... - par des histoires individuelles.
Pour dire ces histoires et cette polyphonie, pour tracer aussi une carte inédite liée aux lieux, aux trajets et aux histoires de ces vingt photographes, le film va de l'un à l'autre et les lie par une communauté de questions et d'éléments fixes qui en fait, non l'addition de vingt portraits, mais un seul et même film à plusieurs voix sur la création photographique en Afrique aujourd'hui.
France / Burkina Faso, Documentaire, 100'
Réalisateur : Issiaka Konaté (Burkina Faso)
Production : P.O.M Films (Paris) et Abissia Productions (Ouagadougou)
avec le concours du Fonds francophone de production audiovisuelle du Sud (OIF / CIRTEF)
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