La photographie est apparue en Afrique dès le milieu du XIXe siècle et pourtant sa reconnaissance en tant qu'art est un phénomène récent. Dans les années 1950, l'apparition du studio photo établit un lien très solennel entre le photographe et son modèle.
La photographie africaine étant avant tout à destination du marché local et non d'un regard extérieur, sa particularité est qu'elle révèle avant tout les aspirations du sujet.
Petit à petit les photographes intègrent la recherche esthétique dans leur travail.
D'emblée, ces photographies de studio frappent par la solennité des poses et par le respect mutuel entre le photographe et son modèle qui transparait dans les cliches.
Cette relation s'explique par deux particularités récurrentes chez nombre de photographes africains :
- en Afrique, le photographe de studio est un professionnel respecté, au statut social élevé. Il est le gardien de la mémoire visuelle d'une communauté, le garant à la fois de l'identité de l'individu, et le témoin de l'évolution de la société
- la confrontation rituelle et codifiée entre l'homme et le medium. Le photographe est choisi pour ses qualités de médiateur, d'interprète social, d'intercesseur qui en font plus qu'un habile technicien, un fabricant d'icônes.
Le prix de la séance est assez élevé, et il s'agit souvent du premier portrait. Le photographe doit souligner la position sociale du modèle et introduire par son style cette part de rêve et de fantaisie constitutive de son écriture. Les accessoires (lunettes, montre, téléphone, radio, chaussures, cigarette, chapeau, mobylette) ont une très grande importance: il s'agit sans doute moins de montrer ce qu'on est que ce que l'on est prêt à devenir.
Le portrait doit être compris comme une fabrication rituelle condensée de la réalité, de l'image sociale. La famille, la collectivité en sont souvent les premiers destinataires (on sait'importance de la famille élargie en Afrique, une collectivité à'intérieur de laquelle le portrait photographique vient prendre sa place).
Pour le photographe, il s'agit souvent de deviner, de révéler les rêves, les aspirations profondes de son modèle. Ainsi, à la fin des années 1960, les jeunes yé-yé de Bamako ou de Dakar dévoilent leurs pantalons "pattes d'éléphant" ou leurs jupes courtes pour la première fois dans le studio de Malick Sidibé.
À travers cette série de photos en noir et blanc, nous souhaitons mettre en lumière ces photographes passés en quelques années du studio au musée d'art contemporain.
Catalogue aux éditions Autrement
Commissaire : Olivier Sultan
ouvert du mardi au samedi de 11 h à 19 h - Entrée libre