"Je raconte comment j'ai été choisi par les Maasaï pour transmettre leur énergie à l'Occident malade. Je raconte comment, au travers de mon initiation de vingt-cinq années librement consentie, j'ai répondu à cet appel, à ma Vocation, et comment, je me suis adapté à toutes les situations les plus invraisemblables et a priori dangereuses, au coeur de la beauté brute du grand Rift Est-africain, tout simplement parce que tel était mon destin !"
Extrait du livre :
- 1982 -
ADOPTÉ AU PIED DE LA MONTAGNE AUX LIONS
Vendredi 3 février, piste Kajiado-Selengei-Kilimandjaro, 15 :30
Je suis calme, même pas un peu énervé, je n'ai pas peur non plus, non, je prends mon temps sans céder à une quelconque panique, et pourtant ! Mon pneu avant vient de craquer pour la troisième fois sous les coups de boutoir des caillasses et des ornières. J'ai mis trente minutes à réparer la première crevaison et vingt-cinq la deuxième, mais là, j'en suis déjà à quarante et je ne m'en sors pas. Qu'importe ! Je me suis assis sur une butte en surplomb de la piste, non pas pour reprendre des forces, mais pour jouir plus intensément du bien-être qui s'est emparé de façon parfaitement incompréhensible de la moindre de mes cellules. Ma transformation est palpable, et j'ai la sensation extraordinaire que rien, absolument rien ne m'arrivera de fâcheux, que le bonheur, ce doit être ça ! Le ciel a la teinte revigorante des voûtes azurées que nous connaissons chez nous en automne, la chaleur est douce ; je scrute au loin le dôme magique du Kilimandjaro, si clair que j'ai du mal à croire à sa réalité. Je suis pris d'un fou rire : je vis mon rêve, tout simplement. Tu as voulu vivre avec les Maasaï, eh bien, maintenant, tu y es ! Je ne me plains pas, oh non ! J'essaie juste de ressentir et d'analyser la joie qui me rend visite, pour comprendre mais surtout retenir cet instant délicieux. Mais il ne s'en va pas, semblant me narguer ou plutôt interroger avec compassion les inquiétudes et les appréhensions qui me tenaillaient encore ce matin, à mon départ à l'aube de Nairobi, mais qui se sont dissipées d'un coup lorsque j'ai quitté le bitume de TA104 pour cette piste, laissant place à cette sorte d'exultation de tout mon être. Est-ce l'énergie de ce lieu qui m'apporte un tel état de félicité ? Je pourrai donc m'en nourrir à volonté aussi longtemps que je résiderai en pays maasaï ?