"Un Lieu dans le monde", le succès de l'Argentin Adolfo Aristarain, pourrait être également le titre de ce superbe poème visuel vietnamien tant les deux films partagent ce même regard de tendresse porté sur les êtres, cette même force des sentiments, ce même éveil d'un jeune de 17 ans à la vie adulte.
La silhouette des montagnes à l'horizon et les rizières toutes proches imprègnent de leur douceur et de leur luminosité un illàge reculé où vivent Nham, un jeune passioné de poésie, sa mère et Ngu, sa belle-soeur. Nham est l'unique homme de la famille: son père est mort et son frère est parti gagner son pain loin du village et loin aussi de Ngu. Les trois travaillent jour après jour dans le rizières. Entre Nham et Ngu, naît un calme et profond sentiment d'une intensité érotique souvent saisissante. Dans ce monde de labeurs et de plaisirs simples, arrive Quyen, une jeune femme, de retour pour une brève période dans son village natal après de longues années passées aux Etats-Unis. Nham est fasciné par sa beauté et son style - elle porte des jeans et des lunettes de soleil. Ouyeri ne semble pas se rendre compte tout de suite de la vive admiration que Nham lui voue et de la jalousie silencieuse de Ngu. Quyen retrouve avec sa terre natale et ses souvenirs idéalisés avec lesquels elle finit par prendre quelque distance.
De par son réalisme poétique et sa force sensuelle, "Nostalgie de la campagne" n'a pas son égal dans le cinema actuel. Dang Nhat Minh, figur de proue de l'actuel cinéma vietnamien, se refuse à nous exposer une prétendue misère. C'est beaucoup plus un regard tendre sur la richesse humaine de ses personnages denses et sensibles qu'il nous offre. Les images pleines de fantaisie et d'émotions contrastent vivement avec une critique étonnement ouverte de la société toujours matérialiste. Dang Nhat Minh fait preuve d'une rare générosité. Il prend les gens et leurs sentiments avec sérieux, respect et compréhension. Il peut ainsi - comme cela est si bien dit dans le film - même faire d'un neuf un dix.
"Nostalgie de la campagne" enthousiasme par son large éventail de portraits nuancés auxquels on attache naturellement. Le film ne traite pas seulement de l'entrée dans la vie adulte mais aussi de la fragilité du sentiment amoureux, de la force du désir, de la valeur de la vie en commun et surtout, de la nostalgie d'un peu de bonheur dans une vie imprévisible. Autant d'êléments qui imprègnent le climat général de ce film, en partie autobiographique, qui, dans presque tous les festivals européens et nord-américains où il est passé, a été le préféré du public.
(Trigon films)